lundi 20 février 2017

LE CAMP DE BUCHENWALD

Lors du voyage organisé en Thuringe par le lycée, à l'initiative de monsieur Janczukiewicz (histoire et géographie) et de madame Gouteux (allemand), les élèves ont pu visiter le camp de concentration de Buchenwald, situé à 5 km de Weimar. Construit en 1937, ce camp de concentration était destiné à punir les ennemis politiques du IIIème Reich, notamment les Communistes. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, Buchenwald servit de lieu de souffrances pour de nombreux opposants politiques et résistants venus de toute l'Europe (Pologne, Tchécoslovaquie, France...), plus des prisonniers de guerre soviétiques, des Tsiganes et des Sintis... 



La porte d'entrée du camp


Au cours du printemps 1945, le camp vit l'arrivée de nombreux Juifs "évacués" d'Auschwitz lors des "Marches de la Mort" qui avaient pour but de transférer les déportés à l'intérieur du Reich afin de servir de main d'oeuvre et de dissimuler les preuves de l'extermination des Juifs à l'Armée Rouge qui avançait. Ainsi, le jeune Elie Wiesel se retrouva à Buchenwald. 

De 1937 à 1945, 250 000 personnes furent déportées à Buchenwald; 56 000 y moururent, soit un quart du total. Lorsque le général Patton arriva au camp le 11 avril 1945, il restait encore 21 000 déportés dans l'enceinte; les autres déportés avaient été transférés dans d'autres camps. 

Les élèves avaient étudié l'histoire du camp dans ses grandes lignes avant leur visite. Ils eurent la surprise, le 1er février 2017, de découvrir le camp sous la neige ! 

Buchenwald ("la forêt de hêtres") avait été construit sur la colline de l'Ettersberg, non loin de Weimar, un lieu de promenade et de détente fréquenté par Goethe notamment. Pour cela, le chêne de Goethe fut épargné et se retrouva au milieu du camp. 

La souche du chêne de Goethe


Buchenwald, lors de la Seconde Guerre Mondiale, comprenait, à l'extérieur de l'enceinte, des habitations pour les S.S., en demi-cercle, avec une place d'appel. La garnison comprenait entre 750 et 3000 S.S. selon les périodes. Les officiers y logeaient avec leur famille. Un zoo, pour le divertissement des enfants et des habitants de Weimar avait été construit près des barbelés: on y voit encore la fosse des ours...


L'enceinte du camp avec les restes du zoo sur la droite


Le camp à proprement dit était composé des éléments suivants:
- La porte d'entrée avec une grille comportant, en lettres de fer, la devise du camp: "Jedem das seine", "A chacun son dû". Sur la gauche, se trouvait le bunker, en fait la prison du camp avec des cellules étroites. Sur la droite, des bureaux pour les S.S.

La grille du camp

Le bunker avec les cellules


Le bureau des gardiens avec les instruments de torture



Une cellule



- Lorsque l'on entre dans le camp, on est frappé par le vide du site: les baraques en bois ou en dur ont disparu, sauf une, et l'on ne voit que les soubassements en briques et béton. En effet, après 1950, le camp fut partiellement démoli par les autorités communistes qui n'épargnèrent que les éléments visibles aujourd'hui.

Le seul baraquement en bois subsistant (1945; remonté en 1994)


Vue générale du camp. Le Petit Camp était situé sur la droite.


- L'enceinte est composée de piliers en ciments soutenant des barbelés, et flanquée de deux miradors, les seuls survivant des 22 miradors du camp. 





- Sur la droite, on aperçoit le bâtiment, surmonté d'une haute cheminée, comprenant les fours crématoires. Les cadavres étaient jetés dans une salle souterraine, qui servait aussi de lieu de torture et d'exécutions, puis remontés par une sorte d'ascenseur puis brûlés... Ernst Thälmann, le chef du KPD (Parti Communiste Allemand) y fut assassiné le 18 août 1944. Le bâtiment comprend un centre médical où étaient autopsiés les cadavres. D'ailleurs, de nombreuses "expériences médicales" furent menées dans le camp, les déportés servant de cobayes pour des vaccins notamment.








Les plaques commémoratives dont celle de la ville d'Auboué




Les urnes pour les cendres


La table d'autopsie

Une salle spéciale servait aussi à l'exécution des déportés. Ces derniers devaient passer une visite médicale. Des SS déguisés en médecins les plaçaient devant une "toise", dos au mur. En fait, cette toise comportait une fente verticale (comme une meurtrière assez étroite) et un SS, dissimulé derrière la toise, dans une petite salle, abattait le déporté avec son revolver, d'une balle dans la nuque ! Un orchestre jouait de la musique à l'extérieur, couvrant le bruit des détonations ...






- Dans le fond, les anciens bâtiments techniques, notamment le grand dépôt de vêtements et de matériel du camp (Effektenkammer), ont été transformés en musée. 


L'Effektenkammer (sur la gauche) du camp, aujourd'hui le musée de Buchenwald.


Ce musée est remarquable tant par la richesse des objets que par la mise en valeur et l'utilisation de tablettes numériques. On y voit toute l'histoire du camp depuis 1937 avec la vie quotidienne des déportés et leurs souffrances. Les déportés travaillaient dans les usines d'armement (fusils, munitions, pièces pour V1 et V2) situées à proximité du camp. Cette présence d'usines explique le bombardement du camp par l'aviation alliée le 24 août 1944: 450 déportés furent tués et 2005 blessés... Le chêne de Goethe, incendié, mourut peu après...

La place d'appel du camp

La salle présentant les tenues des déportés est impressionnante. On y voit bien ce qu'ont relaté les déportés: les détenus de Buchenwald n'avaient pas systématiquement une tenue rayée. Ceux qui restaient dans le "Grand Camp" recevaient des vêtements civils de "récupération", très divers (costumes de ville, blouses, vestes de serveurs de restaurant...), avec un triangle et un matricule, plus un brassard si le déporté avait une fonction précise ("Kapo" par exemple); les tenues rayées étaient mises par ceux qui partaient travailler dans les Kommandos extérieurs dans la région de Leipzig ou encore plus loin, notamment à Dora où fut installée une usine souterraine de V2. 

Dans l'enceinte, il y avait aussi le "Petit Camp", séparé du reste par des barbelés, et qui était un mouroir pour les "inutiles" (malades, handicapés etc). Il ne reste que des traces au sol de ce Petit Camp ainsi que des plaques commémoratives; une partie du site est encore recouverte par la forêt et fouillée depuis les années 1990.


Fiche de Stephan Petermann, un Tsigane












Le tréteau pour punir les déportés


Un rouleau utilisé pour les travaux du camp


Wagonnet utilisé par les déportés au camp et à la carrière



Massue utilisée pour punir les déportés


La balance pour peser le pain



Menottes utilisées dans le camp

Des photos, fiches, objets permettent de bien avoir à l'esprit les dures conditions du camp. Le professeur d'histoire a raconté aux élèves plusieurs particularités du camp:

- Le rôle du comité international clandestin, tenu par les Communistes, qui pouvait protéger les "Prominenten" (les Importants) qui devaient survivre. Ainsi, Marcel Bloch (futur Marcel Dassault), qui avait refusé de travailler pour les Allemands, et qui était menacé de mort, fut caché dans le camp: il revêtit la tenue d'un déporté mort et, sous une fausse identité, survécut à sa déportation. Le comité protégea aussi un jeune enfant Juif polonais âgé de 3 ans, que son père avait dissimulé dans une valise. Bruno Apitz, déporté de Buchenwald, raconta cette histoire dans son livre Nu parmi les loups. En 2015, un téléfilm, "l'enfant de Buchenwald", tourné dans le camp, présente une belle version de ce roman. En 1945, ce comité protégea aussi les enfants du camp en les regroupant dans le Block 66, le plus éloigné, afin de leur éviter une nouvelle Marche de la Mort.

- La présence du commandant Karl Otto Koch, qui, en raison de ses détournements des fonds de la S.S., fut arrêté et enfermé à Buchenwald avant d'être exécuté en avril 1945 ! Sa femme, Ilse Koch, la "chienne de Buchenwald", reste tristement célèbre pour sa collection de tatouages pris sur les déportés...

- L'existence d'un secteur du camp réservé aux personnalités, comme Léon Blum ou Edouard Daladier, qui bénéficiaient d'un traitement de faveur (nourriture suffisante, pas de travaux forcés).

- La révolte du camp le 11 avril 1945: les S.S. avaient décidé de vider totalement le camp en raison de l'approche des Américains. La résistance du camp, grâce à une radio fabriquée avec des pièces volées dans les usines, appela alors le général Patton à l'aide. L'arrivée des Américains provoqua la fin des Marches de la Mort, la fuite des S.S. et la prise de contrôle du camp par des déportés armés: des armes avaient été dissimulées après le bombardement d'août 1944 !



La radio clandestine du camp


- Entre 1945 et 1950, les Soviétiques réutilisèrent le camp (rebaptisé Camp Spécial n° 2) afin d'y enfermer les Nazis et les opposants politiques: 28 000 personnes y furent emprisonnées et 7 000 d'entre elles y moururent !




Enfin, la visite du Mémorial (qui date de 1958) a impressionné les élèves qui ont parcouru tout le chemin depuis le clocher et les statues. En plus de la neige, un magnifique coucher de soleil donnait à l'ensemble un aspect majestueux.












Enfin, je tiens à souligner le comportement parfait des élèves qui ont fait cette visite, dure, dans la plus grande dignité et qui, très intéressés, ont posé de nombreuses questions. 



Une des fosses communes du mémorial


Un travail transdisciplinaire, en plus de l'allemand, a été réalisé avec madame Lefoll, professeure de français, qui avait fait étudier à ses élèves le beau livre de Jorge Semprun L'écriture ou la vie, élèves qui ont été très émus de voir la souche du chêne de Goethe.



Ce qui reste du chêne de Goethe


Cette visite peut aussi être largement exploitée en DNL langue anglaise avec les documents américains sur Buchenwald: photos aériennes de l'US Air Force, films tournés lors de la libération du camp, le Buchenwald Report, le récit du général Patton, le discours du président Obama qui visita le camp le 4 juin 2009  ...


Jérôme Janczukiewicz, professeur d'histoire et géographie